Question de codimension en algèbre linéaire

Je collectionne constamment des exercices de maths intéressants et accéssibles aux élèves niveau prépa ou licence. On en trouve beaucoup dans les livres, sur internet, sur les vieilles feuilles d’exercices de ses propres professeurs… et quelques fois en invente soi-même ! Voici une question intéressante qui m’est venue le week-end dernier. La solution que j’ai trouvée ne nécessite pas de grand théorème, il faut seulement bien maîtriser ses connaissances élémentaires en algèbre linéaire :

Quel est le plus grand entier k tel que tout sous-espace affine de codimension k dans l’espace des matrices n x n contient une matrice inversible ?

Rappel : la codimension d’un sous-espace est la différence entre la dimension de l’espace ambiant et la dimension du sous-espace. Autrement dit, c’est le nombre d’équations nécessaires pour décrire le sous-espace (car chaque équation enlève un degré de liberté). Par exemple, dans l’espace habituel à trois dimensions la codimension d’une droite est 2, celle d’un plan est 1.

6 réponses
  1. Fabien Besnard
    Fabien Besnard dit :

    Tu n’as pas honte de poser des questions comme ça alors que je corrige des copies ? 🙂

    Bon intuitivement je dirais que c’est n(n-1)/2. J’ai bon ? Si oui, je réfléchirai à la preuve si j’ai le temps.

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  2. Fabien Besnard
    Fabien Besnard dit :

    Mince. J’ai raisonné en vectoriel, peut-être que ça change quelque chose avec affine, je n’a pas bien réfléchi. Je me suis dit que l’espace des matrices triangulaires (supérieures disons) avec un zéro en position (1,1) était de dimension n(n+1)/2-1 et constitué entièrement de matrices non inversibles, et que je ne voyais pas comment faire plus gros. Mais je dois manquer d’imagination.

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  3. Mathoman
    Mathoman dit :

    Ton raisonnement est correct, mais ton k est déjà trop grand ! Je pense que la codimension k que nous cherchons est certainement plus petit que n ; en effet, le sous-espace des matrices dont la première ligne est nulle ne contient aucune matrice inversible.

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  4. Fabien Besnard
    Fabien Besnard dit :

    Il faudrait un smiley qui se tape sur le front ! Il faut croire que corriger des copies me rend idiot à force…

    Répondre
  5. Mathoman
    Mathoman dit :

    Voici ma réponse avec démonstration. Je ne crois pas qu’on puisse faire plus simple !

    Proposition :

    Tout sous-espace affine de \({\mathcal M}_n(K)\) de codimension n-1 contient une matrice inversible, et c’est la plus grande codimension avec cette propriété.

    Démonstration :

    • L’espace des matrices dont la première ligne est nulle est de codimension n dans \({\mathcal M}_n(K)\) et ne contient aucune matrice inversible.
    • Soit F un sous-espace affine de \({\mathcal M}_n(K)\) de codimension n-1. Nous allons prouver que F contient une matrice inversible.
      F est décrit par un système linéaire de rang n-1 en les n² coordonnées \(x_{11},x_{12},\dots,x_{nn}\). Résoudre ce système (par exemple par la méthode du pivot) c’est isoler n-1 des coordonnées et les exprimer par les autres. On a ainsi
      n²-n+1 coordonnées variables et n-1 coordonnées isolées (fonctions affines des variables).

      • Supposons dans un premier temps que les n-1 coordonnées isolées sont toutes de la forme \(x_{jk}\) avec \(jF.
      • Le cas général se ramène au cas particulier ci-dessus en faisant des permutations de lignes et de colonnes — ce qui laisse le rang invariant. Pour cela notons \(\bullet\) les coordonnées variables et \(\circ\) les coordonnées isolées. Par exemple :

        \(\begin{pmatrix}
        \bullet&\bullet&\circ&\bullet\\
        \bullet&\bullet&\bullet&\bullet\\
        \bullet&\bullet&\circ&\bullet\\
        \bullet&\circ&\bullet&\bullet
        \end{pmatrix}\)

        Parmi les n lignes il existe forcément une sans \(\circ\) car le nombre des \(\circ\) est seulement n-1. Quitte à faire une permutation on peut supposer que la dernière ligne ne contient pas de \(\circ\). Maintenant on fait une permutation de colonnes de manière que la dernière colonne contient au moins un \(\circ\). Alors le nombre de \(\circ\) dans le bloc (n-1)x(n-1) du nord-ouest est au plus n-2. Par hypothèse de récurrence on peut, dans ce bloc, transporter via permutations de lignes et de colonnes toutes les \(\circ\) au-dessus la diagonale. Ces permutations s’étendent sans problème à la dernière ligne et à la dernière colonne de la matrice complète, donc c’est gagné !

    Voici une généralisation aux sous-varietés.

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