Racines des polynômes unitaires

Un polynôme est unitaire (ou normalisé) si le coefficient de son terme de plus haut degré est 1. Voici un exercice instructif sur les polynômes unitaires.

Soient a et b deux nombres complexes distincts et P et Q des polynômes unitaires dans \(\mathbb{C}\)[X].

  • Si l’ensemble des nombres complexes où P prend la valeur a est identique à celui où Q prend la valeur a et si P et Q sont de même degré, peut-on en déduire que P=Q ?
  • Si l’ensemble des nombres complexes où P prend la valeur a est identique à celui où Q prend la valeur a et si on a la propriété similaire pour b, peut-on en déduire que P=Q ?
8 réponses
  1. PB
    PB dit :

    Bonjour Mathoman,
    J’ai l’impression que c’est non et non. Preuve : \(K=\mathbf R\), \(a=-1\) et \(b=-2\), \(P=X^2\) et \(Q=X^2+1\). Ai je bien lu l’énoncé ?

  2. MathOMan
    MathOMan dit :

    Oui, tu as bien lu l’énoncé ! Mea culpa, c’est moi qui s’est trompé en traduisant ce problème hors d’un certain context… On va alors supposer qu’on travaille sur un corps algébriquement clos. Je viens de modifier l’énoncé dans ce sens.

  3. LK
    LK dit :

    On se ramène par translation au cas où \( a=0 \) et \( b\not=0\). La réponse à la première question est négative : cf. \( P=X(X-1)^2 \) et \( Q=X^2(X-1) \). La seconde réponse est positive. Notons \( n \) le degré de \( P \). Notons \( r \) le nombre de racines de \( P \) comptées sans leur multiplicité. Il est classique que \( P’ \) admet alors \( r-1 \) racines (comptées avec leur multiplicité) distinctes de celles de \( P \). L’équation \( P(z)=b \) admet donc au moins \( n-r+1 \) racines simples et \(P-Q\) admet au moins \( r+n-r+1=n+1 \) racines distinctes d’où \(P=Q\). On remarque au passage que la conclusion reste valable pour des polynômes non unitaires.

  4. JLT
    JLT dit :

    Pour la première question, la réponse est non avec P=X, Q=X^2 et a=0.

    Pour la deuxième question, supposons par l’absurde qu’il existe de tels polynômes distincts P et Q. Soient n et m leurs degrés respectifs. On peut supposer que n >= m.

    On peut écrire \(P=a+\prod_{i=1}^r (X-a_i)^{\alpha_i}=b+\prod_{j=1}^s (X-b_j)^{\beta_j}\) et \(Q=a+\prod_{i=1}^r (X-a_i)^{\gamma_i}=b+\prod_{j=1}^s (X-b_j)^{\delta_j}\), avec \(a_i,b_j\) deux à deux distincts, \(\alpha_i,\beta_j,\gamma_i,\delta_j\ge 1\).

    P-Q est divisible par le produit des \(X-a_i\) et des \(X-b_j\), donc \(r+s\le deg(P-Q)\le n\).

    D’autre part, soient \(R=\prod_{i=1}^r(X-a_i)^{\alpha_i-1}\) et \(S=\prod_{j=1}^s(X-b_j)^{\beta_j-1}\). Ecrivons P’=ST, où T est de degré s-1. Comme R divise P’ et comme R est premier avec S, il divise T donc \(n-r=deg(R)\le s-1\), ce qui contredit \(r+s\le n\).

    Remarque 1 : la démonstration est vraie pour tout corps algébriquement clos de caractéristique nulle (et s’adapte aisément aux polynômes non unitaires).

    Remarque 2 : en caractéristique p, la réponse est non en prenant a=0, b=1, P(X)=X, Q(X)=X^p.

    Remarque 3 : dans la démonstration ci-dessus, LK semble sous-entendre que si un polynôme P de degré n admet m racines communes avec sa dérivée alors P admet au moins n-m racines simples, ce qui est faux. Mais j’ai peut-être mal compris ce qu’il voulait dire.

  5. LK
    LK dit :

    Bonjour. Je précise mon raisonnement. Les racines multiples de l’équation \( P(z)=b \) sont nécessairement des racines de \( P’ \) qui ne sont pas racines de \( P \). On en dénombre donc au plus \( r-1 \), j’en déduis que \( P(z)=b \) admet au moins \( n-r+1 \) racines simples.

    Remarque : cette preuve est valable pour des polynômes \( P \) et \( Q \) quelconques sur un corps algébriquement clos de caractéristique nulle.

  6. JLT
    JLT dit :

    LK : avec un tel raisonnement on montrerait que tout polynôme admet au moins une racine simple.
    [raisonnement faux]
    Soit P un polynôme de degré n. Les racines multiples de P sont nécessairement des racines de P’. On en dénombre au plus n-1, donc P admet au moins n-(n-1) = 1 racine simple.
    [/raisonnement faux]

  7. LK
    LK dit :

    Effectivement, j’ai commis une erreur grossière dans le calcul du nombre de racines… Voici un dénombrement correct (mais qui n’est finalement qu’une reformulation de la preuve de JLT). Notons \( r \) et \( s \) le nombre de racines de \( P \) et \( P-b \) comptées sans leur multiplicité. Le polynôme \( P’ \) admet donc au moins \( n-r+n-s \) racines comptées avec leur multiplicité. Le degré de ce polynôme étant inférieur ou égal à \( n-1 \), on a \( r+s >=n+1 \). Comme les racines de \( P \) et \( P-b \) sont racines de \( P-Q \) et qu’on en dénombre \( r+s>deg(P-Q) \), on a \( P=Q \).

  8. MathOMan
    MathOMan dit :

    Oui, c’est ça. Voici le résumé.

    Soient a et b deux nombres complexes distincts, P et Q deux polynômes complexes non-constants (pas forcément unitaires) tels que N(Pa)=N(Qa) et
    N(Pb)=N(Qb), où nous notons par N l’ensemble des racines du polynôme. Nous pouvons supposer que n=deg(P) est minoré par deg(Q).

    • On montre facilement que N(Pa) et N(Pb) sont disjoints et que
      N((Pa)(Pb)) est une partie de N(PQ).
    • Soit z une racine de multiplicité m de Pa. Alors z est une racine de multiplicité m-1 de P’. Donc z est une racine de multiplicité au moins m de P’(PQ).
    • De même toute racine de Pb est racine de P’(PQ) avec au moins la même multiplicité.
    • Par conséquence (Pa)(Pb) divise P’(PQ). Or deg((Pa)(Pb))=2n et deg(P’(PQ)) est majoré par 2n-1. Donc P’(PQ)=0. Ainsi P=Q car P non-constant.

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