Exercice sur les cordes d’un cercle
Voici un joli exercice de géométrie dans le plan. L’énoncé est surprenant et semble plutôt simple, mais la démonstration ne l’est pas.
Soit \(\scr{C}\) un cercle, A,B deux points distincts sur \(\scr{C}\) et M le milieu de la corde [AB]. Soient [PQ] et [SR] deux autres cordes passant par M. On note C (resp. D) le point d’intersection de [AB] avec [PS] (resp. [RQ]).
Démontrer que M est aussi le milieu de [CD].
Etonnant : si M est le milieu de [AB], alors aussi de [CD] !
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Remarque :
Ce problème est posé dans une vidéo sur Jean-Pierre Kahane du site Images des Maths.
On y trouve une preuve élégante utilisant un faisceaux de coniques (niveau supérieur). Mais il existe aussi deux autres preuves, l’une géométrique et astucieuse (niveau collège) et l’autre bête
et calculatoire (niveau classe de première) : vous les trouverez dans les commentaires ci-dessous.
Est-ce accéssible à un élève de terminale où ai-je besoin d’outils que je n’ai pas encore pu appréhender ?
On observe d’abord que les triangles MQR et MSP sont semblables.
Soit I le milieu de QR, H le pied de la hauteur du triangle MQR issue de M, et N le point tel que IHMN soit un rectangle. Soit O le centre du cercle. Les triangles MNO et MHD sont semblables (car MN, NO et OM sont perpendiculaires à MH, HD et DM respectivement), donc OM/MN = DM/MH, donc
OM/DM = MN/MH = IH/MH.
Mais si J est le milieu de PS et H’ est le pied de la hauteur du triangle MSP issue de M, on a de même OM/CM = JH’/MH’.
Comme MQR et MSP sont semblables, on a IH/MH = JH’/MH’, donc OM/DM = OM/CM, donc DM=CM.
Très belle solution ! En fait j’ai trouvé cette question dans une vidéo sur Jean-Pierre Kahane. Il y pose le problème et évoque deux possibilités de solution (sans les donner) :
En revanche il ne parle pas de la solution élémentaire proposée par JLT. J’aimerais bien connaître la solution dans le projectif (c’est inhabituel de prouver une question métrique dans le projectif).
Je vais quand même expliciter la solution analytique même si elle est moins belle. Deux raisons pour cela : D’abord même si la dévise des mathématiques est
,il peut être préférable dans certaines circonstances (lors d’un examen par exemple) d’utiliser une méthode plus longue mais dont on est certain d’arriver au bout
plutôt que de chercher une solution astucieuse et élégante.
Et deuxièmement il est toujours instructif pour un étudiant d’appliquer la qu’on lui enseigne.
Dans notre exemple on sait qu’on a affaire à des intersections entre un cercle et des droites ; alors une solution analytique doit être possible car on sait résoudre les équations linéaires et de second degré. Au passage l’étudiant apprend dans cet exercice à choisir un repère adapté et des notations convenables.
\(\begin{align*}
\scr{C}\;:\; x^2+(y-m)^2&=1\,, & (AB) \;:\;y&=0\,,\\ (PQ) \;:\;x&=ay\,,& (RS) \;:\;x&=by\;.
\end{align*}\)
Nous avons pris x=ay au lieu de l’habituel y=ax pour inclûre le cas où (PQ) est verticale et exclûre celui où (PQ)=(AB). En plus nous supposons (PQ) est différente de (RS), c’est-à-dire a et b sont des réels distincts.
\(\forall y\in\mathbb{R}\;:\qquad(1+a^2)y^2-2my+m^2-1=(1+a^2)(y-y_P)(y-y_Q).\)
Une équation similaire avec b à la place de a est valable pour \(y_R\) et \(y_S\). On a donc les relations racines-coefficients suivantes
\(\begin{align*}
(1+a^2)(y_P+y_Q)&=2m, &(1+a^2)y_Py_Q&=m^2-1, \\ (1+b^2)(y_R+y_S)&=2m, & (1+b^2)y_Ry_S&=m^2-1.
\end{align*}\)
nous utilison la condition d’alignement par le déterminant.
\(\begin{array}{rcl}
0&=&\begin{vmatrix}x_C-x_P~~&~~x_S-x_P~~ \\ y_C-y_P~~&~~y_S-y_P\end{vmatrix}
=\begin{vmatrix}x_C-ay_P~~&~~by_S-ay_P~~ \\ -y_P~~&~~y_S-y_P\end{vmatrix}\\&
=&(x_C-ay_P)(y_S-y_P)+y_P(by_S-ay_P)\\&=&(y_S-y_P)x_C+(b-a)y_Py_S \:.
\end{array}\)
Donc on a l’équation suivante pour \(x_C\), puis une équation analogue pour \(x_D\) (obtenue en changeant P en Q et S en R),
\(\begin{align*}
(y_S-y_P)x_C&=(a-b)y_Sy_P\:,&
(y_R-y_Q)x_D&=(a-b)y_Ry_Q\:.
\end{align*}\)
\(\begin{array}{rcl}
\frac{(y_S-y_P)(y_R-y_Q)}{a-b}\:(x_C+x_D)&=&(y_R-y_Q)y_Sy_P+(y_S-y_P)y_Ry_Q\\&
=&y_Ry_Sy_P – y_Qy_Py_S + y_Sy_Ry_Q-y_Py_Qy_R\\&
=&\frac1{m^2-1}\left(\frac{y_P}{b^2+1}- \frac{y_S}{a^2+1}+ \frac{y_Q}{b^2+1}- \frac{y_R}{a^2+1} \right)\\&
=&\frac1{m^2-1}\left(\frac{y_P+y_Q}{b^2+1}- \frac{y_R+y_S}{a^2+1}\right)\\&
=&\frac1{m^2-1}\left(\frac{2m}{(a^2+1)(b^2+1)}- \frac{2m}{(b^2+1)(a^2+1)}\right)=0\:.
\end{array}\)
Si \(y_S\neq y_P\) et \(y_R\neq y_Q\) alors le calcul ci-dessus implique \(x_C+x_D=0\). Si \(y_S= y_P\) alors par symétrie aussi \(y_R=y_Q\) et on obtient encore que M est le milieu entre C et D.
Cette dernière situation ne correspond pas à notre dessin, mais à celui ou on a permuté les rôles de P et S. En fait nous avons prouvé en même temps le résultat dual suivant : M est le milieu de l’intersection de (AB) avec (SQ) et avec (PR). Voir cette illustration de Alexander Bogomolny pour l’énoncé plus général.
On vient de me signaler une liste de preuves de cet énoncé connu sous le nom .