Mieux comprendre la topologie des matrices singulières

Mieux comprendre la topologie des matrices singulières

Mon billet récent sur la dimension maximale d’un sous-espace affine contenu dans l’ensemble des matrices non-inversibles m’a inspiré les réflexions suivantes, une sorte de version différentiable de ce résultat.

On note \({\mathcal M}_n(\mathbb{R})\) l’espace des matrices n x n à coefficients réels et \(GL(n,\mathbb{R})\) le sous-ensemble des matrices inversibles. On sait que \(GL(n,\mathbb{R})\) est un ouvert dans \({\mathcal M}_n(\mathbb{R})\). En effet c’est l’image réciproque de l’ouvert \(\mathbb{R}^*\) par l’application continue déterminant

\(\det\;:\;\; {\mathcal M}_n(\mathbb{R}) \;\rightarrow\;\mathbb{R}.\)

On peut même dire un peu plus : le déterminant étant polynômial en \(x_{11},x_{12},\dots,x_{nn}\) le complémentaire des matrices inversibles, c’est-à-dire l’ensemble des matrices de déterminant nul,

\(\mathcal{A}\; =\; {\mathcal M}_n(\mathbb{R}) \:\backslash\:GL(n,\mathbb{R})\)

est une hypersurface algébrique. Géométriquement parlé \(\mathcal{A}\) est un fermé de \({\mathcal M}_n(\mathbb{R})\) qui ressemble localement à un hyperplan (c’est-à-dire à un sous-espace affine de dimension -1). Enfin, cela est vrai en presque tous les points, ceux où la différentielle du déterminant ne s’annulle pas (points réguliers). En revanche, en les points où la différentielle du déterminant est nulle (points singuliers), l’hypersurface \(\mathcal{A}\) ne ressemble plus à un sous-espace affine. Il peut y avoir un croisement comme par exemple

algebraische Fläche, surface algébrique

ou un rétrécissement comme par exemple

Algebraische Flächen

(Pour plus d’images de surfaces algébriques visitez le la galerie de Herwig Hauser.)

Il est évident que la différentielle du déterminant est nulle à l’origine. Donc notre hypersurface \({\mathcal A}\) possède une singularité à l’origine.
Le résultat suivant dit qu’il s’agit d’une singularité de type rétrécissement, car l’hypersurface de dimension n²-1 y perd quelques dimensions — il y reste juste assez de place pour n²-n dimensions…

Proposition :

Le nombre n est la plus grande dimension possible d’une sous-variété différentiable F de \(\mathcal{M}_n(\mathbb{R})\) telle que \(0\in F\subset {\mathcal M}_n(\mathbb{R}) \backslash GL(n,\mathbb{R})\,.\)

Démonstration :

  • L’ensemble des matrices dont la première ligne est nulle est un sous-espace vectoriel (et donc en particulier une sous-variété différentielle) de dimension n²-n. Evidemment il contient l’origine 0 et est contenu dans \(\mathcal{A}\).
  • Soit F une sous-variété de \({\mathcal M}_n(K)\) de dimension n+1 et telle que \(0\in F\).
    Nous allons prouver que F contient une matrice inversible.
    Au voisinage de l’origine la sous-variété F est décrite par un système de n-1 équations

    \(f_j(x_{11},x_{12},\ldots,x_{nn})=0\,,\;\;\;j=1,\,\ldots\,,n-1,\)

    tel que les différentielles \(df_j\) sont linéairement indépendantes à l’origine.
    On résoud ce système par le théorème des fonctions implicites, c’est-à-dire on peut isoler (théorétiquement) n-1 des coordonnées et les exprimer par les autres. On a ainsi, toujours au voisiange de l’origine,
    n²-n+1 coordonnées variables et n-1 coordonnées isolées (fonctions différentiables des coordonnées variables).
    Maintenant je peux poursuivre mon raisonnement de la preuve du cas affine : par des permutations de lignes et de colonnes je m’arrange à ce que les coordonnées isolées soient toutes au-dessus de la diagonale matricielle ; puis je prends les coordonnées sur la diagonale toutes égales à un nombre \(\epsilon\) non-nul et proche de 0 et les autres coordonnées variables égales à 0. Ainsi j’obtiens une matrice inversible qui est dans F.

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