Quel est le salaire correct pour un professeur de maths ?
Le mathématicien Pierre Colmez, algébriste français éminent, a publié sur son site web une lettre ouverte adressée au directeur général de l’Ecole Polytechnique à Palaiseau. Il y explique ses raisons de ne plus prolonger son contrat d’enseignant dans cette institution prestigieuse. La première raison nomée est celle d’argent. Mr Colmez s’indigne que des collègues en mathématiques financières ou en économie sont embauchés au double respectivement triple de son salaire. La réponse qu’on lui donne ne m’étonne pas : C’est le prix du marché ; les mathématiciens n’ont qu’à organiser la pénurie s’ils veulent que l’on augmente leurs salaires.
Je ne savais pas que le salaire des enseignants à l’X est soumis au prix du marché. J’ai plusieurs amis d’études qui se sont convertis aux mathématiques financières, certains sont professeurs dans des universités en Allemagne, d’autres travaillent pour des banques. Mais ceux qui sont professeurs ne touchent pas plus que leurs collègues professeurs d’archéologie par exemple ; en revanche, ils arrondissent (avec des gros ronds !) leurs fins de mois avec des expertises et conseils pour toutes sortes d’institutions du monde financier… Leur poste de prof n’est donc pas leur principale source de revenu. Probablement la différence de salaire à l’X ne représente qu’un \(\epsilon\) sur le revenu total d’un professeur en mathématiques financières, mais il est clair que pour Pierre Colmez c’est un grand \(K\)…
Dans le futur, est-ce les universités françaises vont-elles faire comme dans le privé, c’est-à-dire rémunérer leurs enseignants en fonction de l’offre et de la demande ? Comment négocier alors ce salaire ? Que feront alors les professeurs enseignant des matières sans « applications directes » comme par exemple la musicologie ?
L’anomalie en France est que le doctorat en mathématiques n’est pas un diplôme très valorisé dans le privé, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme l’Allemagne. La conséquence est que l’université peut continuer à verser des salaires relativement faibles (en comparaison avec d’autres pays ou d’autres professions d’un niveau de qualification comparable), sans craindre la concurrence des entreprises privées, excepté dans quelques domaines comme les mathématiques financières. Ceci est vrai bien sûr jusqu’à un certain point, car à part dans quelques grandes universités, les écoles doctorales en mathématiques vivotent un peu.
Personnellement, je trouve que le fait que la grille salariale et les conditions d’avancement ou d’attributions de primes soient (à peu près) les mêmes partout en France est un bon système, car il permet d’éviter qu’il n’y ait trop d’inégalités entre les diverses universités, notamment entre Paris et la province. Beaucoup d’étudiants n’ont pas les moyens de se loger hors du domicile familial, il faut leur donner l’opportunité d’aller dans des universités avec des enseignants et une activité de recherche de bon niveau.