Les involutions en langage courant
La langue des français ne finit pas par me surprendre. Ils ne faut pas toujours prendre à la lettre ce qu’ils disent. Par exemple il a quarante balais
ne signifie pas qu’il s’agit d’un collectionneur d’outils de nettoyage, non mais quel manque d’imagination de la part de l’étranger que je suis, évidemment il fallait comprendre qu’on compte ici les années…
Mais encore plus bizarres sont les deux expressions suivantes qui inversent le sens. Contrairement à ce qu’on devrait croire t’inquiète
ne signifie pas inquiète-toi
mais ne t’inquiète pas
! Et fais gaffe
ne veut pas dire fais une gaffe
mais ne fais pas de gaffe
!
J’avoue qu’en ma patrie, la Bavière, aussi il y a des illogismes. Par exemple, on peut entendre des bavarois dire i hob koa Mo net gsehn
. Traduction en allemand correct : ich habe keinen Mann nicht gesehen.
La double-négation kein/nicht en allemand fait une affirmation, mais pas chez les bavarois car ils aiment faire chose à part du reste de l’Allemagne.
En général, une négation en mathématiques et en langue est ce qu’on appelle une involution, c’est-à-dire une opération qui appliquée deux fois nous ramène au point de départ. Comme la multiplication avec -1. Si je multiplie deux fois par -1 je retrouve le nombre initial car -(-x)=x. Un autre exemple d’involution est une réflexion, par exemple par rapport à un plan : l’image miroir d’un image miroir est l’image initial.
Blague : A Krka lors de la conférence mondiale bi-annuelle des linguistes un chercheur fait un exposé détaillé sur les principes de la double-négation. Il explique alors qu’une double-négation est équivalente à une affirmation, mais qu’une double-affirmation ne peut jamais, mais vraiment jamais produire une négation. Après une heure son exposé compliqué en MindMaps et PowerPoint, avec des matrices, des équations comme \((-1)\times(-1)=1\) et \(1\times 1\neq-1\) se termine, les scientifiques s’apprêtent à applaudir quand soudainement vient du dernier rang de l’amphi un Oui, oui…
Exercice :
Un condamné est dans une pièce avec deux portes, chacune gardée par un gardien. Il sait que l’une des portes amène à la liberté et l’autre à la prison et que l’un des gardiens dit toujours la vérité tandis que l’autre ment toujours. Il a le droit de poser à un gardien au choix une seule question à réponse oui/non, puis il a le droit de sortir par la porte qu’il veut.
Quelle question posera-t-il et quelle porte prendra-t-il ensuite ?
Remarque : Il existe une solution bien connue. Mais il existe aussi une autre qui ne suppose même pas que chaque gardien soit au courant qu’il existe une autre porte avec un autre gardien.
"je ne pense pas que ce ne soit pas vrai" n’est pas equivalent a "je pense que c’est vrai", car on peut ne rien penser du tout.
Rem : la premiere phrase "La langue des français ne finit pas par me surprendre" est-elle une erreur (cela devrait etre "La langue des français n’en finit pas de me surprendre") ou bien est-elle a prendre au second degre?
Non, ce n’est pas du second degré, c’est seulement un signe que je ne maîtrise pas assez bien les prépositions qui en français comme dans la plupart des langues restent le point faible des étrangers.
Concernant « …car on peut ne rien penser du tout » : Vous donnez un mauvais exemple. Oui, dans le langage courant « ne pas penser » n’est pas le contraire de « penser ». Mais mathématiquement c’est bien le contraire car « ne pas penser » doit signifier « ne pas avoir une pensée ou rien penser »… Donc cet exemple est un peu tiré par les cheveux 😉
Dans mon poly j’ai écrit la phrase suivante :
En allemand et en anglais on dirait ainsi. Or Mr T. vient de m’indiquer qu’en bon français il fallait écrire :
Maintenant je peux comprendre que les étudiants français ont des problèmes avec les quantificateurs. C’est à cause de leur langue qui est construite de manière moins logique que l’allemand 😉 La phrase 1 est une négation devant le quantificateur \(\forall\).
Mais la phrase deux me semble dire autre chose, à savoir
à propos de ta petite énigme, il existe donc 3 solutions distinct.
il en existe deux, pour lesquels les gardiens, doivent connaitre l’existence des deux portes et savoir que l’un deux ment, et que l’autre non.
la première, certainement la plus connue est donc de dire au premier gardien: "va demander à l’autre quelle porte il garde"
la seconde, consiste à poser la question suivante au gardien : "est-ce que le gardien qui dit la vérité, garde la porte qui mène à la liberté?" si la réponse est oui, c’est cette porte,sinon, c’est l’autre.
Quant à une troisième solution indépendante de la connaissance de la situation des deux gardiens, je suis curieux de la connaître.
Merci d’avance.
Attention, la question « va demander à l’autre quelle porte il garde » n’est pas bonne car elle n’admet pas de réponse binaire oui/non.
Pour la solution qui ne suppose pas que chaque gardien soit au courant qu’il existe une autre porte avec un autre gardien, l’idée est simple : il suffit de lui définir un univers opposé au sien (il en existe précisément un tel univers opposé), puis lui poser la question de la solution habituelle. Une manière cachée de le faire est la suivante :
Ensuite on prend la porte si la réponse est
, et on prend l’autre porte si la réponse est . Ca marche. En effet, notons P le produit et S la somme.Tout d’abord, merci pour la rapidité de la réponse, je ne m’attendais pas à en avoir une si vite.
ensuite, il est vrai que ma première formulation était un peu caduque. Mais on pourrait la reformuler de cette façon:
"si tu demandes à l’autre garde, quel est la porte qu’il garde, te répondra-t-il qu’il garde la porte de la vie?" et cette question admet bien une réponse binaire : oui/non. Et il me semble qu’on peut la considérer comme distinct des deux autres, j’aimerais une explication du contraire, si ce n’est pas trop demander, dans le cas ou je me tromperais.
Enfin, je me dois de vous remercier pour le contenu de ce site, qui est à la fois relativement compréhensible pour l’élève de terminal S que je suis, avec un peu de logique et de persévérance, et à la fois passionnant pour quiconque aime les maths. Merci et bravo donc
A mon avis toutes les trois questions sont équivalentes. Le fait que les gardiens ne se connaissent pas mutuellement, n’a pas d’importance car pour chaque gardien on peut définir un univers opposé, puis faire intervenir cet univers dans la question.
C’est un peu comme un miroir (ou l’anti-matière) : on peut en parler sans que l’image miroir est réelle, l’important est qu’elle existe dans l’esprit de celui auquel vous posez la question.
Merci pour votre encouragement. Si vous aimez les maths vous devriez aimer un magnifique blog de vulgarisation : El Jj. Je ne sais pas qui c’est (seulement qu’il habite à Nantes), mais en tout cas ses billets sont excellents.